L'émeute qui s'est produite hier à Gare du Nord, qui succède à la garde à vue "musclée" d'une institutrice défendant des enfants "sans-papiers", est un symptôme qui rappelle que la France traverse une triple crise : institutionnelle, nationale et sociale
1) Crise institutionnelle puisqu'une des institutions de la république, la police, est mise en cause. D'un côté, une partie de la population nie sa légitimité à faire respecter la loi, qu'il s'agisse du paiement des titres de transport ou de l'expulsion des sans-papiers : or, la république c'est l'ordre fondé sur la loi. Si la loi est juste, (et peut-elle ne pas l'être dans un pays démocratique ?), on ne peut contester qu'elle soit appliquée par la police, dont c'est le rôle. On mesure ainsi le désordre d'une société au fait qu'une loi ne soit plus sacrée aux yeux de l'opinion : la raison en est que trop de lois a sans doute tué la loi. L'inflation législative est en effet telle que les lois sont appliquées à peine une fois sur deux, et sanctionnées tout au plus une fois sur 10. Dès lors, le contrôle policier du respect de la loi apparaît comme arbitraire, puisqu'il intervient de façon aléatoire, et donc injuste. L'ordre social ne pourra donc être rétabli que lorsque les lois seront moins nombreuses mais mieux respectées. Mais la crise institutionnelle a un autre versant : la police, institution républicaine, se comporte avec une brutalité parfois disproportionnée avec les actes commis. Or, il faut rappeler sans relâche qu'il ne peut y avoir de police qu'exemplaire et démocratique. C'est sans doute loin d'être le cas actuellement. Une politique républicaine doit donc s'attaquer aux deux maillons simultanément : rendre légitime la loi, et rendre républicaine la police.
2) Crise nationale : il faut être aveugle pour ne pas voir que les émeutes de la gare du Nord comme celles de novembre 2005 concernent avant tout une immigration récente. On mesure le résultat de politiques qui ont flatté les différences, le multiculturalisme, l'enseignement des langues étrangères maternelles, au détriment des politiques d'assimilation. Au lieu de fondre ces nouveaux apports dans un peuple commun, dans lequel ils auraient apporté leur vitalité, on a parqué les nouveaux immigrés dans des ghettos, dont certains sont au bord de la dissidence. Dans le même temps, on cultivait l'effacement de la nation : celle-ci était vouée à quittter le théâtre de l'Histoire au profit de l'Europe, son passé que l'on croyait glorieux devenait un passif, et la défense de la nation, née à gauche à Valmy en 1792, était abandonnée à l'extrême-droite. Comment dès lors intégrer des immigrés à une France que les élites françaises n'aiment plus ?
3) Crise sociale : ces émeutes, comme toutes les émeutes dans tous les pays, à toutes les époques, prospèrent sur fond de misère et d'impasse sociale. Or, on voit bien que la simple redistribution des revenus ne suffit pas à la faire reculer : elle se contente d'arroser du sable. La vérité est que la société française est devenue une société bloquée, où les positions sont figées, où la reproduction sociale devient chaque jour plus forte, ou les "fils de" dament le pion aux primo-arrivants, même talentueux. Les jeunes, notamment immigrés, sont ainsi privés d'ascenseur social. Les politiques d'assistanat sont peut-être utiles parce qu'elles permettent d'étouffer le feu sous la cendre : elles n'empêcheront pas d'autres incendies d'éclater de nouveau. Les jeunes ont en effet moins besoin de subventions que d'emplois et de dignité. On ne s'en sortira donc que par un plan de redressement économique qui libère les énergies, et qui donne à tous un emploi et un espoir : celui de pouvoir, par son mérite et son effort personnel, améliorer sa position sociale. Cela passe par un nouveau plan Pinay-Rueff, supprimant les barrières à l'entrée de certaines professions, favorisant les PME, et s'attaquant au cancer de la dette publique, qui détourne l'épargne des investissements rentables et favorise les rentiers
La situation évoque 1958 : des institutions à bout de souffle, une nation qui doute de son avenir, des désordres économiques. Elle appelle donc des mesures énergiques, en rupture sans doute avec les pratiques des 15 dernières années. Devant l'autisme du PS et de l'UMP, il ne faudra pas s'étonner si, le 22 avril, de nombreux Français se tournent vers Bayrou.